Les carrières VOLLE

Pour ceux qui ont vécu à Fontenoy avant les années 1970, parler des carrières VOLLE peut raviver une partie de leur passé rythmé par cette activité fort bruyante. Pour les plus jeunes, cette activité mérite d'être connue pour mieux comprendre leur environnement.

Située à la sortie de Fontenoy, sur la route de Le Magny, le site de cette carrière est connu d'abord sous le nom de Forge Colleuil, puis de Moulin Brûlé. En fait, la présence du Côney offrant sa force motrice a permis diverses activités à cet endroit comme l'attestent les ouvrages hydrauliques : déversoir, canal de fuite...

* En 1877, Joseph Mercier ouvre une petite carrière sur la rive gauche du Côney. La roche semble d'excellente qualité pour les travaux de voirie.

 

* En 1887, le Canal de l'Est est achevé, Gaston VOLLE prend alors la destinée de cette carrière en main. Pierre VOLLE, son fils lui succédera.

 

Petite leçon de Géologie pour comprendre l’attrait de cette pierre.

 

 

 

Son nom est un peu savant : il s’agit d’un granit particulier. Chacun connaît la particularité du granit, roche à cristaux de feldspath, quartz et mica. A l’examen de notre granit local, il n’est pas évident de retrouver ces caractères. En fait les feldspaths sont d’un volume considérable, si bien que l’on pense à une roche éruptive de couleur rosâtre et grise. Ce type de granit est appelé porphyroïde comme l’atteste le document ci contre.

L’exploitation de ce gisement

Le front de taille présente actuellement un ban de roche compacte de plusieurs dizaines de mètres de haut. A l’origine, le travail était exclusivement manuel, masse, pelle, pioche, brouette. Progressivement, les nouvelles techniques et découvertes du XIX ème siècle furent adaptées par Gaston VOLLE, ingénieur et de surcroit très ingénieux. On passe alors à l’explosif, au wagonnet, au convoyeur, au concasseur. Les barres à mines foraient la roche profondément pour placer des explosifs. Chaque jour, à 17 heures, une trompette annonçait le tir de mines.

 

Les cartes postales du début du siècle permettent de suivre les évolutions techniques.

1909

 

Le front de taille est en bord de route. Un seul gros bâtiment, l’ancien moulin. Le travail est entièrement manuel. Une passerelle permet de franchir le Côney pour rejoindre le quai du Canal de l’Est achevé depuis 25 ans.

 

1913

 

Le front de taille s’élève du fait du recul. Des rails de wagonnets traversent la route ce qui facilite le transport des produits finis vers les aires de stockage et les péniches. Un chevalement est appuyé au bâtiment principal.

 

1916

 

Cette vue d’ensemble permet de comprendre le cheminement de la pierre concassée du front de taille en passant par le stockage et le chargement en utilisant la passerelle conduisant au quai sur le chemin de halage.

1918

 

On dénombre 40 ouvriers sur le chantier. Des poteaux signalent l’utilisation de l’électricité, mais tout se fait encore manuellement : Concassage, criblage, triage, transport pour stockage…

 

1925

 

L’évolution technique est importante, une passerelle permet le franchissement de la route, un convoyeur mécanise le chargement des péniches à quai. Des bâtiments techniques sont construits le long de la route.

 

1930

 

Le front de taille s’allonge sur plusieurs centaines de mètres et s’élève compte tenu de la pente. En haut, à gauche, le château de Bellevue, encore intact, un site chargé d’histoire ne résistera pas aux secousses quotidiennes des tirs de mines.

La commercialisation des granulats.

Le développement de cette carrière est étroitement lié au Canal de l’Est. Ces produits, lourds par excellence, ont pu être commercialisés grâce au réseau de canaux de grand Est de la France jusqu'à Chalons sur Marne, Reims… Plusieurs péniches sont affectées à ce transport. On retrouve leurs noms sur les bons de livraisons : « Avoine, Wettina, Kléber, Stable, Pluvier, Saint Antoine de Padoue, Juliette, Saint Thomas, Carmen, Lucienne… »

 

D’une contenance de 280 tonnes, tractée par l’homme, le cheval puis par tracteur automoteur, ce moyen de transport est idéal. Le chargement d’abord manuel, à la brouette, se fait ensuite par wagonnets, puis convoyeurs à tapis passant par-dessus le Côney.

Après la guerre, changement de moyen de transport. Le camion remplace peu à peu la péniche. La carrière s'adapte, un concasseur mécanique remplace l'homme, un chevalement permet le triage et le chargement automatique des poids lourds. La Société Varenne de la Gare de Bains est affectée au transport. C'est la reconstruction du pays durement touché par la guerre. La rotation des camions est incessante à destination du terrain d'aviation de Luxeuil, base aérienne de l'OTAN et de la gare de Bains pour le chargement de wagons destinés au ballast.

Les carriers

 

 

Les livrets de compte des ouvriers des différentes carrières appartenant à la famille Volle sont riches de renseignements précis. Nous sommes en avril 1934, les carrières de granit mais aussi de grés tournent à plein régime.

 

La durée du travail est de 10 heures par jour, y compris les samedis, total mensuel 230 heures. Le travail est essentiellement physique et sollicite les organismes : articulations, dos....le tout dans une atmosphère de danger : éboulements, chute de pierres en particulier après les grandes périodes de gel....

 

Les tâches sont très spécialisées comme l'attestent ces documents :

 

Aux carrières de Fontenoy :

 

1 comptable : Félicien DEVOILLE

 

1 surveillant de travaux : Pierre VOLLE

Des abatteurs qui deviendront artificiers chargés de percer des trous à la barre à mine et de poser les charges explosives

 

Des concasseurs de blocs, travail à la masse

 

Des trieurs qui mettent les matériaux en tas suivant le calibrage à la main pour les plus gros (20/40, 40/70), par criblage pour les plus fin (0/20;0/31,5)

 

Des chargeurs de bateau, travail payé à la tâche.... Imaginez le chargement de 280 tonnes de pierres...

 

En ce qui concerne les paveurs, métier plus technique, des ouvriers paveurs ont été recrutés pour leur savoir faire, il logeait dans de petites maisons à quelques pas de la carrière dans le quartier du Haut du Mont, Trémonzey, parmi leur spécialité : l'épinçage, le marquage, le calibrage des bâtards, parisiens et moëllons de toutes sortes.

L'histoire des carrières VOLLE est intéressante sur le plan économique et s'inscrit dans l'histoire de notre patrimoine industriel local. Cela correspond à une époque de vitalité économique de notre secteur.

 

Le modèle de développement est alors calqué sur celui les grandes entreprises capitalistes dont le but était le contrôle global de la production.

Ainsi sur ce modèle, cette entreprise a pratiqué l'intégration verticale, processus économique qui consiste à vouloir contrôler le produit de sa source, en l'occurrence ici la matière première jusqu'à la commercialisation en passant par le transport.

 

La société VOLLE avait la maîtrise de la matière première : le granit, les transports par bateau dont elle était propriétaire et commercialisait ses produits en direct dans tout l'Est de la France.

 

Après la Grande Guerre, Gaston VOLLE pratique l'intégration horizontale dans le but de contrôler les sites de production similaires de tout un secteur. C'est alors la recherche de sites propices à la production de tous les produits nécessaires à la voirie.

 

C'est l'achat des sites d'extraction de Trémonzey, de Jonvelle, de Harsault, des Chicottes, du Pré Verdot...

 

« D’après R. et R. RITTER »